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BILAN SECURITE ROUTIERE en 2015 par Jacques Robin Jacques Robin, est un ancien de la DDE à la retraite. Il met son expertise au service de la sécurité des usagers sur son site http://www.securite-routiere-plus.com/. Le plus qu'il y donne à la Sécurité routière officielle, c'est d'aborder les problèmes de sécurité sans a priori ni tabous. Il nous a autorisé à recopier le bilan des acquis de 2015 dont il a accompagné ses voeux aux militants des associations actives pour le développement des modes actifs de déplacement. Nous l'en remercions. Bonne année pour nous, défenseurs et gardiens de la sécurité sur les routes et dans les rues, signifie d'être clairvoyant et opiniâtres dans nos priorités revendiquées afin que l'on ne nous donne pas les miettes, des mesurettes de peu d'intérêt, voire négatives. L'année sera d'autant plus une bonne année que nous ramerons tous dans le même sens, automobilistes, piétons, cyclistes, parents, malvoyants ... et que nous ne baisserons pas les bras. L'année 2015 a été en même temps fructueuse sur quelques avancées et en même temps négative, par la dégradation globale de la sécurité et du fait que des sujets importants n'ont pas été traités ou concrétisés.
Qu'avons-nous gagné en 2015 ? Entre autres la concrétisation par le décret du 2 juillet et l'arrêté du 23 septembre de réflexions lancées dans les quelques années et quelques mois précédents concernant les piétons et les cyclistes et les dispositions du décret du 24 juin concernant l'alcoolémie et le téléphone : -- Durcissement des sanctions pour le stationnement sur trottoir : amende de 4ème classe (135€) au lieu de 2ème classe (35€). -- Instauration d'une zone de visibilité de 5 mètres avant chaque passage piéton en y interdisant le stationnement. De cette façon les automobilistes verront mieux les piétons s'engageant. -- Amélioration de la sécurité des cyclistes en leur permettant de s'éloigner des voitures en stationnement et de ce fait d'éviter les portières qui s'ouvrent inopinément à leur passage. -- Autorisation de chevauchement de la ligne blanche pour dépasser les cyclistes si la visibilité le permet. Cette autorisation règle, enfin, une contrainte antérieure insensée (il en existe d'autres dans le code) et constitue un gain de sécurité. -- Suppression de la généralisation des répétiteurs de feux : ce sont ces feux de taille plus réduite qui sont placés sur la partie basse des mats des feux tricolores. Leur suppression n'incitera plus les automobilistes à s'arrêter au ras des passages piétons masquant ainsi les piétons qui traversent. -- "Les maires peuvent fixer pour tout ou partie des voies de l'agglomération une vitesse inférieure à 50 km/h" : là bravo : c'est un pas important vers une plus grande généralisation du "30 en ville". Des villes comme Lorient, Grenoble et d'autres sont pionnières dans ce domaine. -- Officialisation du seuil d'alcoolémie à 0,2 g pour les conducteurs novices (décret du 24 juin). L'observation montre qu'à 0,5 g la volonté de ne pas continuer à boire s'émousse alors qu'à 0,2 g (1 verre) elle est opérante. -- interdiction d'utilisation de l'oreillette pour téléphoner en conduisant (décret du 24 juin)
Que pouvons-nous maintenant faire de mieux sur les sujets mentionnés ci-dessus ? "Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage, polissez-le sans cesse et le repolissez" -- Sur le durcissement des sanctions pour stationnement sur trottoir il est nécessaire de réaliser une campagne d'information vers les automobilistes et vers les maires sinon il est peu probable que ce durcissement modifie cette habitude de stationner sur trottoir. Comme disait Montaigne, ce n'est pas le montant de la sanction qui dissuade mais la fréquence de son application, et c'est là que le bât blesse car beaucoup de villes sont très laxistes. La France est pratiquement le seul pays au monde qui tolère le stationnement illégal sur trottoir. -- Puisque l'on considère que le stationnement à moins de 5 mètres des passages piétons masque la covisibilité piéton-véhicule et constitue un danger, il est nécessaire, comme c'est en général le cas pour les lois, de fixer une date limite, par exemple 1er janvier 2018, pour supprimer les places de stationnement marquées dans cette zone de 5 mètres. Cette précision devrait être maintenant portée dans l'instruction interministérielle sur la signalisation routière. On peut regretter d'autre part la demi-mesure qui a consisté à ne pas appliquer cette interdiction aux motos, or bien qu'elles soient moins volumineuses que les voitures, elles constituent quand même indéniablement un masque pour un enfant piéton. -- La suppression de la "généralisation" de la répétition des signaux tricolores circulaires a été remplacée par la "possibilité" de la répétition des signaux tricolores circulaires. C'est bien, mais comme pour le point précédent, pourquoi s'arrêter à une demi-mesure si on considère que c'est néfaste ? Là aussi La France est pratiquement le seul pays au monde qui emploie ce dispositif. Il serait bienvenu d'apporter une nouvelle modification à l'instruction interministérielle sur la signalisation routière pour dire, comme cela se fait pour toutes les mesures nouvelles, qu'un délai de 5 ans est défini pour leurs suppressions. -- La ligne transversale matérialisant le sas cycliste a été malheureusement reconduite en tireté fin : T'2 – 15 cm beaucoup trop fin, beaucoup trop mince, cette ligne est très peu visible et très peu respectée. Récemment j'ai observé très longuement des sas cyclistes dans le quartier de la place de la République à Paris : globalement, lors de quatre cycles de feux sur cinq, toutes les voitures et motos franchissaient allègrement cette ligne et totalement le sas, et s'arrêtaient au droit du passage piéton. Je l'ai également remarqué dans d'autres villes où l'observance n'était que de un cycle sur deux. L'arrêté du 23 septembre aurait pourtant été l'occasion d'adopter une ligne plus visible : si l'on craint (à tort) que les français seraient déroutés par une large ligne continue utilisée dans tous les autres pays, une solution habile serait une ligne semi- continue (80 cm - 20 cm) et assez large (autour de 50 cm). Dans une prochaine, très prochaine, modification de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière, il serait hautement souhaitable que l'on adopte une telle disposition. -- L'interdiction de l'oreillette pour téléphoner. Puisqu'il est prouvé et connu de tous que le fait de téléphoner en conduisant est dangereux car cela mobilise une part importante de l'attention, pourquoi limiter l'interdiction au "tenu en main" et à l'oreillette ? La raison avancée est qu'en "main libre" on ne peut pas voir si le conducteur téléphone, donc on ne peut pas sanctionner. Très courte vue : car d'une part le conducteur resterait sanctionnable en cas d'accident du fait qu'il est alors possible de voir s'il téléphonait, d'autre part le message envoyé et compris comme tel par les conducteurs est qu'il n'est pas dangereux de téléphoner sans oreillette, par exemple en "main libre". On trouve même sur le WEB des publicités spécifiant "légalement autorisé". Il est urgent de remodifier le code sur ce point afin d'interdire tout usage du téléphone, audible ou manipulé par le conducteur, quitte à fixer assez loin la date limite de vente et la date limite de l'utilisation.
Quelles sont les principales priorités non abordées ou non concrétisées en 2015 ? Je me limiterai à trois améliorations importantes et urgentes : -- L'adoption généralisée de la boite noire accidentologique. En cas d'accident, elle permettra aux juges et aux assurances de connaitre la vitesse d'approche des véhicules impliqués et d'attribuer les responsabilités, en particulier lors d'accidents de carrefour prioritaires qui sont franchis à trop grande vitesse par les voitures et les motos et où le seul accusé est l'automobiliste de la voies croisée qui parfois a pourtant tout fait correctement. -- La limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes bidirectionnelles. Des expérimentations sont en cours sur quelques routes nationales mais le faible kilométrage concerné constitue un échantillonnage restreint et il se peut que l'on n'en dégage pas des conclusions déterminantes. Il est incontestable que les collisions frontales et les chocs contre obstacles latéraux sont plus évitables et moins violents à 80 km/h qu'à 90 km/h (53% d'après mes calculs (voir abaissement de 90 a 80 km h ), et une grande partie des automobilistes admettent le bien-fondé d'une réduction de la vitesse à 80 "mais pas sur les belles routes bien larges sans arbres, sans rien !". Dont acte. Dans le but de bénéficier plus favorablement de l'opinion publique, une solution habile pourrait être de commencer prioritairement par limiter la vitesse sur les routes "non classées prioritaires" (autour de 240 000 km de RD) et de réserver à plus tard la décision pour les routes bidirectionnelles prioritaires (autour de 50 000 km). Ce ne sera pas simple mais néanmoins possible, une telle différenciation avait déjà été établie en 1973 lors des expérimentations de réduction de vitesse et existe dans certains autres pays européens. -- La ligne d'arrêt 5 mètres avant les passages piétons. Le décret du 2 juillet 2015 a interdit le stationnement 5 m avant les passages piétons, reconnaissant ainsi la nécessité d'éviter le danger de masquer la visibilité entre les conducteurs et les piétons qui traversent. Il faut aller plus loin dans cette amélioration de la visibilité : beaucoup d'accidents mortels de piétons sont causés par un véhicule qui dépasse une première voiture qui vient de s'arrêter pour laisser traverser un piéton mais qui masque le piéton du fait qu'elle s'est arrêtée tout près du passage piéton (quelques exemple d'accidents mortels : Nelson 15 ans à Marseille, une piétonne à Moissac en octobre 2013 et tout récemment le 30 juillet dernier, à Compiègne, une femme de 78 ans). Dans la plupart des pays du monde une large ligne blanche continue marquée transversalement quelques mètres avant le passage piéton indique le point où la voiture doit s'arrêter et permet au conducteur qui double et au piéton qui traverse de se voir suffisamment tôt pour pouvoir s'arrêter ou manœuvrer (explications détaillées sur Ligne d arret avant passages pietons ).
Bonne année 2016 ! Espérons que cette année nous apporte des améliorations substantielles en sécurité Jacques ROBIN 02 9775 2043 06 8577 4621 Mon site sur les améliorations possibles en sécurité routière : www.securite-routiere-plus.com Twitter : @ROBINjacques
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