samedi, 24 avril 2010
Le vélo, c'est rentable, plaide la FUBicy
La journée d'étude de la FUBicy, hier, n'a su dire si le développement du vélo était meilleur pour l'Etat ou pour les individus. Dans les deux cas, il a été utile de montrer à quel point il est rentable, et aussi que les actions doivent être cohérentes, clairvoyantes et persévérantes.
La vérité doit être connue : « Le vélo ne pourra se développer que si l’auto perd de la place », « On n’a pas été assez coercitif avec la voiture », "La vraie concurrence entre modes, c’est entre le stationnement automobile et le vélo", a-t-on entendu dans la bouche des différentes autorités...
Choses vues, propos entendus...
SI VOUS PRÉFÉREZ LE PAPIER, une autre présentation, de ma plume, vient de paraître dans Ville Rail&Transports (n° 495) - 5 mai 2010.
A la journée d'étude de la FUBicy (fédération des associations d'usagers de la bicyclette), cette année, on a rencontré surtout des associatifs, ce qui est normal, et des professionnels. Le responsable des bus cyclistes était là, tout comme les « monsieur vélo » de Metz, Paris, Bordeaux, ainsi que d'autres, comme Daniel Hauser, de l’agence d’urbanisme de Strasbourg, père des aménagements cyclables de la ville. Pas mal d’élus aussi, d’Angers, de Lille, de Metz, Albi, Colmar, Haguenau, Montreuil… en tout, plus de 200 participants. C’était à Strasbourg, « première ville cyclable de France » (50 millions de consommateurs, juin 90), et lieu de création de la FUBicy il y a 30 ans.
Parmi les exposants, j’ai revu avec plaisir Laurent Mercat, patron de Smoove, Corinne Verdier, d’Altinnova, ou Aurore Fabre-Landry, de Neovelo… toutes jeunes entreprises sympathiques et efficaces. Smoove, qui propose un système de gestion de parcs de vélos en libre-service très adaptable en est déjà à sa 5° ville (Montpellier, Avignon, Valence, Grenoble, Saint-Etienne à partir de juin, et bientôt une ville en Grèce !). Belle récompense et encouragement pour cet ingénieur qui a développé tout un système original et très modulable.
Le vélo rapporte beaucoup d’argent
Le thème de la rencontre était « Le vélo, moteur économique », et, le moins qu’on puisse dire, c’est que l’exposé de Nicolas Mercat fut convainquant.
Exploitant encore et encore son étude sur l’économie du vélo, mais à chaque fois sous un nouvel angle, il a montré que l’investissement dans le vélo était très rentable.
Et d’abord, qu’il y a corélation entre kilomètres d’infrastructure et fréquentation.
Grosso-modo, à partir d’un certain seuil, chaque mètre linéaire par habitant correspond à 10% de pratique.
Chaque cycliste qui roule une demi-heure par jour (soit 2 fois 4 km, par exemple, on voit que c’est peu ! mais le peut-on ? c’est toute la question) fait économiser à la sécurité sociale 1000 euros par an. Ou, autrement dit, à partir d’un certain seuil, chaque kilomètre parcouru économise 1 euro à la sécu. Ce qui nous fait aujourd’hui seulement 5627 millions d’euros.
Le retour sur investissement est énorme, sur les budgets déplacements, bien sûr. Mais aussi sur les emplois liés à l’engin et liés au tourisme. Vente, réparation, services touristiques sont toutes des activités de main-d’œuvre non délocalisables. Le vélo rapporte environ 600 millions d’euros de recettes fiscales et concerne 35 000 emplois directs. La fabrication, malheureusement, a émigré, ce qui nous vaut d’ailleurs pas mal de camelotes. La hausse de la qualité qui semble s'amorcer pourrait à nouveau bénéficier à notre industrie.
Nicolas Mercat propose donc que Villes et Etat se fixent des objectifs :
- atteindre 10% de part modale
- que les citoyens parcourent chacun à vélo 8 km par jour
- qu’on investisse 1 mètre d’aménagement cyclable par an et par habitant, pendant 10 ans. Ça ferait 10 euros par an et par habitant.
- que 95% de la population se trouve à moins de 5 km d’une voie verte, et pour cela que le réseau monte à 60 000 kilomètres (contre 15 000 aujourd’hui).
- et qu’enfin la France devienne le pays du tourisme à vélo.
Ce faisant, l’économie sur la santé atteindrait 15,4 milliards, ce qui correspond… au trou de… la sécurité sociale... Autant dire que les personnes tiennent la forme grâce au vélo, mais c'est une transition facile!
La ville tient sa forme des modes de déplacement
Parmi les autres exposés, Jean-Baptiste Rigaudy, de l’agence d’urbanisme de Bordeaux (a’urba), a rappelé que les villes se sont construites à partir des voies de communication (il rappelle la thèse de Fernand Braudel, j’ajoute celle de Gaston Roupnel, Histoire de la campagne française, ch. V. Les chemins.- Terre humaine, Plon), et que c’est toujours les déplacements qui en façonnent la forme.
J.B. Rigaudy a aussi parlé de « gueule de bois »… le magnifique tramway de Bordeaux n’a pas encore provoqué d’abandon de l’automobile. Entre 1998 et 2009, les transports publics sont passés de 7 à 8% de part, l’auto a baissé de 67 à 63%, la marche au augmenté de 19 à 21% et le vélo est resté à 3%. Mais Bordeaux et son agglomération sont très éclatées, très étendues, faites de très nombreux petits centres. Seul le vélo permet de fédérer l’ensemble.
Deux points importants soulignés par l’orateur :
C’est la vitesse des véhicules qui est le point majeur à considérer. Pour la baisser, bien entendu.
La vraie concurrence entre modes, c’est entre le stationnement automobile et le vélo qu’elle se situe. Soit pour la place, soit pour l’inconfort ressenti à rouler entre deux files hostiles, l’une qui bouge, l’autre dont les portières peuvent bouger…
Alors, comment atteindre les 15% de part modale prônés par la charte de Bruxelles (signée par Alain Juppé lors de Velo-city) ? C’est simple. Le vélo doit être compétitif. Seul ou en combinaison. En clair, il doit être plus commode d’aller à vélo qu’autrement.
Et pour que ce soit plus commode… il faut, nous explique le Bordelais, renforcer les micro-centralités, créer un maximum de mixité de proximité, « faire du renouvellement urbain sur la ville étalée », qui est la caractéristique historique de cette agglomération. Et créer des quartiers apaisés autour de chaque station de TC, favorisant ainsi le rabattement à vélo.
Il a aussi été décidé que toute voie nouvelle aurait désormais plus de 50% de l’espace pour autre chose que l’automobile. Et, pour ses nouveaux quartiers, Bordeaux créera les voies vertes avant les bâtiments (dans le cadre de la démarche EcoCité, engagée par le gouvernement, pour laquelle 13 cités ont été lauréates, dont Bordeaux-Bègles-Floirac-Cenon avec l’Opération d’Intérêt National Bordeaux-Euratlantique autour du projet de la gare Saint-Jean).
« On n’a pas été assez coercitif avec la voiture » ajoute J.B. Rigaudy. Certes on a réaménagé le centre –ville, mais il ne représente que 10% de la population, et d’ailleurs, dans ce centre, le vélo fait 8% des déplacements. Certes on a construit le tramway, mais on a continué à améliorer les phasages de feux pour faire de la fluidité automobile…. Nous sommes tous pleins de contradictions, finallement, tout comme à Lyon, pour laquelle Nicolas Pech, de l’agence d’urbanisme, a confessé que, oui, on construisait 30 km de piste cyclable par an, mais qu’on laissait aussi le contournement ouest sur les cartes de programmation…
Pour le Strasbourgeois Alain Jund, adjoint à l’urbanisme et conseiller communautaire délégué au vélo « Le vélo ne pourra se développer que si l’auto perd de la place ». Les outils réglementaires peuvent aider (quotas de places de stationnement… et si les nouveaux bâtiments profitent aussi aux ménages pour qui la voiture est trop chère, c’est encore mieux), la nature aussi, mais lentement. L’enquête-ménage a montré que le nombre de déplacements baissait. C’est dû au vieillissement, au fait qu’on ne rentre plus à la maison pour déjeuner, etc. Alors, on aide : D’ici à deux ans, tout Strasbourg sera limité à 30 à l’heure, sauf exception. Dans le futur éco-quartier, il n’y aura aucune voiture en surface, et seulement 3 entrées auto.
Que fait l'Etat ? Il lui est reproché de ne même pas faire connaître ses bonnes décisions (double-sens dans les zones 30, par exemple, sans parler des plus anciennes...), ou d'attendre on ne sait quoi. Strasbourg expérimente l'autorisation de virer à droite aux feux sur 5 carrefours depuis plus d'un an. Tout se passe bien, elle voudrait tester sur 30 carrefours, pas moyen d'obtenir le feu vert. Va-t-il falloir le faire sans l'autorisation, comme le suggère un participant ? Si en plus les économies ne vont que dans les caisses centrales ...
Et moi, je m'interroge, j'ai l'impression qu'à chaque rencontre se répètent les mêmes avis : Le stationnement est la clé de l'espace; il faut baisser les vitesses et faire de la mixité; le vélo est la clé de la santé; l'Etat doit au moins communiquer ... Je crois que je raconte toujours la même chose... Voir en particulier ma note du 6 avril.
Voir aussi l’article des Dernières Nouvelles d’Alsace : Le vélo c’est la santé.
13:30 Publié dans Congrès, journées d'étude | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : fubicy, politique cyclable
Commentaires
Merci Isabelle pour ce compte rendu.
Mais c'est vrai que c'est lassant : plein de choses qu'on sait depuis longtemps. Qu'est ce qu'on attend ? La fin du pétrole, j'en ai bien peur.
Écrit par : pH|Re | dimanche, 25 avril 2010
Velomaxou (cliquez sur ma signature) fait un lien sur cette page, sous le titre "Isabelle ronge son frein"... Il a sans doute vu juste...
Écrit par : Moi | lundi, 26 avril 2010
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